La semaine dernière, profitant d'un voyage à San Francisco, j'ai allongé un peu mon séjour pour pousser jusqu'à Mountain View et aller visiter un musée qui semblait fort intéressant. Le Musée de l'Histoire des Ordinateurs, ou dans le texte « Computer History Museum »
Première chose à savoir si vous êtes à San Francisco même, que vous choisissiez le train (pas cher, mais long, avec changement) ou la voiture (plus cher, un peu moins long), prévoyez le trajet pour ne pas arriver trop tard. En effet, le musée ferme assez tôt : 17h.
En voiture, tant qu'à visiter, vous pourrez faire un détour par la 280 pour passer par des endroits sympas ou la 1 pour des endroits encore plus sympa, à l'aller ou au retour. Ou opter par la 101 pour aller au plus direct (mais potentiellement aussi plus encombrée, vérifiez avant de partir).
De notre côté (puisque nous étions deux), nous avons opté par un peu de balade sur le chemin.
Arrivé au musée et ayant acquitté notre droit d'entrée, après une petite explication de l'agencement à l'accueil et la remise d'un plan, nous voici parti pour une aventure d'environ quatre heures.
Coup de bol ? Ce jour là, des étudiants du coin faisaient une démonstration à l'entrée d'appareils fonctionnels et d'artefacts divers (comme un reste de Silicon après découpage de Wafers). Les visiteurs pouvaient donc goûter au plaisir de perforation d'une carte (c'est un plaisir quand c'est dans un musée...).
Puis la visite commence. Un petit film d'introduction peut être visionné, mais je ne l'ai pas fait, j'avais hâte de voir du concret.
L'exposition principale est divisée en 20 zones thématiques et globalement chronologique. Globalement car les époques recouvertes par les thèmes se superposent dans l'histoire des ordinateurs. La première zone est consacrée au calcul, le besoin initial à la base de tout ça. Règles à calcul, bouliers (que l'on peut manipuler), métier de « calculateur » permettant de dresser les tables de fonctions.
Mais encore calculatrices, mécaniques tout d'abord puis électroniques (mais non programmables). Et que serait cet endroit sans la réplique de la sous-partie de démonstration de la Machine à Différences de Charles Babbage ? Près de là, les plans de la Machine Analytique du même inventeur, bien entendu avec mention des travaux d'Ada Lovelace.
Suit un très intéressant reportage sur la culture d'entreprise d'IBM au début du XXième siècle. Le musée est comme cela ponctué de nombreux reportages ou extraits de films, interviews et reportages d'époque. Il y en a vraiment beaucoup et malgré les quatre heures de visite, je n'ai pas tout pu regarder.
Ce passage est dans la zone 2, consacrée aux cartes perforées, dont IBM fut un grand fournisseur.
De là, on passe en zone 3, consacrée aux calculateurs analogiques et des « batailles » qui s'ensuivent entre les modèles numériques et les modèles analogiques, ainsi que des fusions entre les deux systèmes.
Une machine analogique câblée nous montre bien la similitude avec l'état de certaines bases de code actuelles...
Peut-être préférez-vous le câblage suivant.
Les zones suivantes sont consacrées à la naissance des ordinateurs ainsi qu'à l'histoire des premières compagnies à se lancer dans le secteur. On y trouve quelques ordinateurs à lampes de dimensions conséquentes, comme des morceaux d'ENIAC.
Le musée présente aussi des blocs de bases d'un ordinateur dans leurs formes d'alors, et rappellent que des pistes initiales se tournaient vers la mécanique. Sur l'image suivante, une porte logique mécanique à gauche (a priori un inverseur), et une additionneur/soustracteur à lampe à droite.
La zone suivante, la 6, nous amène aux besoins de calculs en temps réel et nous rappelle les besoins de l'armée, toujours très gourmande en calculs pour la balistique. Et très avide d'information à des fins de surveillance dans une époque de guerre froide. Des éléments du système SAGE sont exposés.
Tout cela demande de la puissance de calcul grandissante, et nous entrons à présent dans la zone 7, dédiée aux Mainframes. L'IBM 360 y trône en bonne place, avec ses beaux dérouleurs de bande rouge et bleus.
Et avec des possibilités de calculs grandissante vient les besoins en stockage grandissants eux aussi. La zone 8 s'intéresse à la mémoire, qu'elle soit persistante ou non. En partant de quelques artefacts très lointains, comme un système de stockage d'information Inca utilisant des cordes, on arrive sur des systèmes plus récents. Un mur de stockage présente de nombreux systèmes : lecteurs de disquettes, cartouches, cassettes, disques magnétiques...
Tout ça, c'est bien beau, mais sans logiciel, cela ne va pas bien loin. C'est la zone 9 qui présente la programmation. Le musée est principalement focalisé sur le matériel, et si le logiciel est toujours dans l'air, ce n'est pas sont point central (voir plus loin pour la section déportée du musée). À un mur, une fresque généalogique des différents langages de programmation s’étale sur quelques mètres. C'est une version cependant très simplifiée, même si les jalons essentiels sont là.
Une film explicatif constitue la principale attraction de la zone. Il faut dire que ce n'est pas si évident de montrer du logiciel dans un contexte de vieilles machines dont la plupart ne fonctionnent pas et qui étaient utilisées principalement pour des calculs scientifiques, militaires et des traitements administratifs.
Ah si, tout de même, un badge DECUS rappelle que le principe du partage de logiciel via des sources de code ouvertes ne date pas d'hier, puisque le groupe a été créé en 1961 et que la pratique le précédait.
Si les Mainframes, c'était du trop petit pour vous, la zone 10 en remet une couche avec une présentation de Super Ordinateurs. Forcément, vu la place que cela prend, il n'y a pas beaucoup de pièces. On y trouve aussi un cluster de PCs. Bien entendu, que serait une section Super Ordinateurs sans Cray.
Un film rapide retrace au passage la vie de Seymour Cray et des particularités de ses ordinateurs.
Ils ont plein de petites LEDs qui clignotent et des petits leviers tous sympas, ils sont tout minis se sont les... Minis Ordinateurs de la zone 11. Des PDP-8, PDP-11, du HP, du CDC, un modèle de PDP-8 qui a servi pour des opérations chirurgicales du cerveau et a permis d'effectuer celles-ci avec endormissement du patient (car donc, apparemment, auparavant, le patient devait rester réveillé...)
Bien évidemment, la section évoque UNIX et présente un manuel d'époque.
Puis l'on passe en zone 12, consacré à la logique numérique au cœur du fonctionnement de toutes ces machines jusqu'à nos tablettes et téléphones actuels. Quelques portes logiques peuvent être actionnées avec des interrupteurs (dommage, le Flip Flop ne fonctionnait pas à cause d'un bouton défectueux). Un film présente les étapes de fabrication d'un circuit intégré, et l'on peut regarder à la loupe plusieurs générations de ces puces. Quelques wafers de différentes tailles accompagnent le tout.
La zone 13 est consacrée à la robotique et à l'intelligence artificielle, avec de nombreux robots vintage en exposition. Mes photos de cette section étant toutes floues, passons.
En zone 14, on découvre la thématique de la création artistique à travers l'outil informatique. Ici, à côté d'un cube de PIXAR, de système SUN, de tables traçantes et de synthétiseurs, on trouve une machine au logo qui aura marqué une époque en image numérique.
J'y ai découvert aussi un accessoire pour Commodore 64 que je ne connaissais pas du tout. Le Incredible Music Keyboard, qui se place au dessus de la coque d'un C64 pour le transformer en synthétiseur. J'aurais du mieux regarder la chaîne 8-Bit Keys, qui en fait une présentation.
La zone 15 s'intéresse au périphériques d'entrées et sorties. Le coin est plutôt fourni en périphériques exotiques, dont beaucoup étaient des idées... intéressantes. Et dont d'autres ont eu plus de succès. Et quoi de mieux pour accueillir le visiteur dans cette zone que le très à propos Xerox Alto.
La zone 16 est consacrée aux jeux vidéo. Pas de trucs renversants à ce niveau-là, beaucoup de musées de vieilleries informatiques se focalisant essentiellement sur le matériel de jeu, il est difficile de faire original. Trois pods de démonstrations permettent de jouer à des jeux assez différents : un jeu d'aventure textuel, Spacewar! et PAC-MAN. Les trois en « reproduction » (plutôt des recréations que de l'émulation j'ai l'impression... mais je n'en sais rien).
Bref, passons ici aussi.
La zone 17 présente l'ordinateur personnel. Le Micro, ça y est, l'ère grand public (ou presque) commence. C'est un IBM PC qui nous reçoit dans la zone. Vu la taille de ces nouvelles machines, de nombreuses pièces différentes sont présentées. Apple I et II, TRS-80, Commodore PET, Atari 800XL, Lisa,...
Mais aussi de l'exotisme (vu des Etats-Unis), avec un Smaky, un Amstrad 464, du Spectrum,... Un clone russe de ZX Spectrum.
Et un Thomson TO7-70 ! Malheureusement un peu dans l'ombre.
Et puisqu'on est dans l'ordinateur français, un petit Micral.
Toute une partie est à l'honneur du Do It Yourself de l'époque : ces machines que l'on pouvait recevoir en kit, ou bien dont on ne recevait que des parties essentielles, à compléter ensuite, en suivant éventuellement un plan dans un magazine.
Ici, un Altaïr 8800 côtoie (mais de pas trop près) un Imsai 8080. Mais aussi un EDUC-8 Australien (que je ne connaissais pas), une carte KIM-1 et de nombreux autres.
De la zone 17 on passe à la zone... 18 ! Celle-ci présente l'informatique mobile. En partant des portatifs initiaux (et de publicités où l'on voit des utilisateurs suer avec le sourire en traînant une mallette de plomb signe de leur modernité), on passe par les ordinateurs portables de différentes époques et les organiseurs personnels.
Le pôle interactif offre de soulever un Osborne 1 dans sa malette, pour juger du temps pendant lequel nous aurions pu garder le sourire en se baladant avec. On est loin des quelques centaines de grammes de tablettes actuelles.
La zone 19 présente la mise en réseau, en commençant par le commencement : la mise en relation de personnes à distance. Télégraphe, puis téléphone, avec des cartes de l'évolution des lignes reliant les continents.
Un petit bouton permet de retrouver le délicieux son d'une communication entre ordinateurs via Modem.
Est exposée aussi une des premières armoire à serveurs de Google, tout un tas de modems, de routeurs et autres matériels de communication. Des initiatives aussi, comme les ordinateurs communautaires hippies.
Côtés ordinateurs associés à cette thématique, un NeXT Cube, mais aussi un Minitel, expliquant que bien avant l'essor grand public d'Internet, en France, il était possible d'aller chercher des renseignements en ligne ou de réserver un train.
La dernière zone, la vingtième est une zone tournée vers l'avenir. Principalement un film interviewant quelques personnalités de la Silicon Valley. J'avoue ne pas l'avoir regardé. on sort avec cette zone de l'Histoire pour entrer dans l'actuel, et l'actuel est tous les jours.
C'est ainsi que se termine la visite de l'exposition principale. Mais pas du musée.
PDP-1 et Spacewars!
Si la quasi totalité des machines exposées ne sont pas en fonctionnement, le musée possède deux salles consacrées à deux machines emblématiques restaurées et en état de fonctionnement.
La première salle est celle du PDP-1.
La vénérable machine n'est cependant allumée que deux fois par mois à un horaire bien précis... Et le jour de ma visite n'était pas un jour de démonstration. C'est dommage, mais tant pis.
La démonstration consiste, entre autre, à lancer le jeu Spacewars! Il est même possible d'y jouer, avec des contrôles déportés dans la zone visiteur. Le stylo optique est aussi fonctionnel.
IBM 1401
La seconde salle est encore plus vaste et est utilisée pour une installation d'IBM 1401. Un film explique l'histoire de sa restauration, qui aura été longue et fastidieuse.
Là encore, il faut tomber le bon jour et la bonne heure pour la démonstration. C'était le bon jour, mais nous sommes arrivés après la mise en route, qui a lieu le matin.
Mais même éteinte, la machine est impressionnante.
Le reste
Et ce n'est pas fini. Mais le musée allait fermer 30 minutes après et j'ai parcouru le reste un peu plus rapidement. J'ai dédié la majeure partie du temps restant à l'exposition sur Ada Lovelace, qui présente quelques manuscrits de sa main et lettres de Charles Babbage à son attention. Qui retrace aussi en quelques panneaux sa vie.
À côté, une mini expo sur les transports automatisés, qui me semble est surtout une excuse pour présenter la voiture toute ronde de chez Google.
Le dernier grand espace est dédié au logiciel sous différents aspects : jeu, musique, image, connaissance, simulation, industrie textile. Chaque poste montre l'évolution du travail dans ces domaines avec l'arrivé de l'informatique. Par exemple en juxtaposant le développement de pellicule en chambre noir et Photoshop.
Exposition plutôt bien faite, mais que j'ai traversée un peu en coup de vent. Je n'étais pas venu pour cela.
Conclusion
Ce musée est fantastique. Les quatre heures passées, nullement suffisante pour tout voir dans les détails, sont passées très rapidement. Beaucoup de pièces intéressantes, des explications, des films d'archive, des reportages,...
Si vous passez dans le coin, n'hésitez-pas !